Israël, en première ligne contre le programme nucléaire de Téhéran, risque de se retrouver isolé dans une communauté internationale réceptive au ton beaucoup plus conciliant adopté par le nouveau président iranien Hassan Rohani, selon des experts.
Lors de sa première grande sortie internationale depuis son élection le 14 juin, le président Rohani a réaffirmé à l’Assemblée générale de l’ONU que son pays n’était « pas une menace », ni pour le monde ni pour la région.
Il a de nouveau assuré que l’Iran entendait utiliser l’énergie nucléaire « à des fins exclusivement pacifiques », et dénoncé les sanctions contre l’Iran, alors que nombre de pays occidentaux et Israël soupçonnent Téhéran de chercher à se doter de l’arme atomique sous couvert de programme nucléaire civil.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui doit s’adresser à l’ONU le 1er octobre, a réagi en dénonçant dans un communiqué un discours « cynique et totalement hypocrite ».
Cette intervention « traduit exactement la stratégie iranienne qui consiste à parler et à gagner du temps pour faire progresser ses capacités à se doter d’armes nucléaires », a-t-il affirmé.
Le président iranien a également condamné, dans un entretien avec CNN, « les crimes que les nazis ont commis envers les juifs », prenant le contrepied de son prédécesseur Mahmoud Ahmadinejad qui avait nié le génocide nazi.
Diplomatie du sourire
« La diplomatie du sourire de Rohani a atteint son but et Israël est désormais menacé d’isolement », a estimé mercredi le commentateur politique de la radio publique Chico Menache.
« C’est un véritable défi diplomatique pour Israël », souligne le professeur Uzi Rabi, spécialiste de l’Iran à l’université de Tel-Aviv.
« La dernière fois que Netanyahu était à l’ONU, il était beaucoup plus facile d’argumenter contre l’Iran. Je ne suis pas sûr que pousser des grands cris soit le meilleur moyen à employer cette fois-ci », ajoute cet universitaire.
L’an dernier, Benjamin Netanyahu s’était livré à un coup médiatique en brandissant pendant son discours devant l’Assemblée générale un graphique sur lequel il avait tracé une ligne rouge que l’Iran ne devait pas franchir dans
son programme nucléaire.
Preuve du changement
Selon le quotidien Yédiot Aharonot, le Premier ministre va tenter de « minimiser les différences entre Rohani et Ahmadinejad en soulignant que le président actuel aspire aux mêmes objectifs: détruire Israël et attaquer l’ensemble du monde occidental ».
Pour Emily Landau, de l’Institut d’études pour la sécurité nationale de l’Université de Tel-Aviv, l’amertume des responsables israéliens constitue une réaction « naturelle » à l’annonce d’une réunion jeudi à New York sur le
nucléaire iranien en présence notamment des chefs de la diplomatie américain et iranien.
« Netanyahu ne sera pas présent dans la salle des négociations, c’est pourquoi il essaye de rappeler les réalités aux Etats-Unis, à savoir qu’il n’y a aucune preuve d’un changement » de la politique nucléaire de l’Iran, ajoute cette chercheuse.
Israël redoute que de telles rencontres ne portent atteinte à ses efforts pour faire pression sur l’Iran, selon Raz Zimmt, un chercheur du Centre d’études iraniennes de l’Université de Tel-Aviv.
« Le gouvernement israélien et le Premier ministre auront du mal à convaincre la communauté internationale de traiter l’Iran comme elle le faisait auparavant », prévoit-il.
« En Occident, on considère Rohani de façon totalement différente d’Ahmadinejad. Les Occidentaux ont raison mais Rohani n’a présenté aucune proposition concrète sur le nucléaire », poursuit Raz Zimmt.
« Rohani est devenu la star de l’ONU », constate Uzi Rabi.
Mettre fin au désordre
Selon ces chercheurs, les Etats-Unis pourraient avoir besoin d’un régime iranien plus coopératif pour des raisons qui ne sont pas toutes liées au programme nucléaire de ce pays.
« Une percée diplomatique avec l’Iran pourrait permettre de mettre terme au désordre qui règne au Moyen-Orient », souligne Uzi Rabi, en ajoutant que l’Iran « profite de la saga syrienne ».
Mais Emily Landau relativise l’importance de l’écart entre les positions des Etats-Unis et des Européens d’un côté, et d’Israël de l’autre.
« Il y a bien sûr des différences entre les positions américaine et israélienne. Mais il ne faut pas l’exagérer en en faisant une dispute », poursuit-elle.
La raison de la main tendue de l’Iran est « claire, il s’agit d’une réponse aux sanctions occidentales) », ajoute la chercheuse.
John Davison /AFP
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