Lune de miel entre Israël et l'Egypte

LE REGARD DE JACQUES BENILLOUCHE POUR

tribunejuive.info

Benillouche 13.41.40

Tout le monde se souvient du dicton qui dit que l’on reconnait ses amis dans la diversité ou dans le malheur. L’armée égyptienne n’avait pas apprécié que Hosni Moubarak n’ait reçu aucun soutien américain lorsqu’il était dans la détresse alors qu’il avait joué à plein la carte américaine. Elle n’avait pas apprécié non plus le soutien affiché aux Frères musulmans à l’avènement de Mohamed Morsi, caractérisé par une totale neutralité durant le soulèvement de la population pour s’opposer au régime islamique. L’armée égyptienne qui fait face à de sérieux troubles dans le Sinaï a donc discrètement décidé de remplacer les Américains par les Israéliens comme alliés dans la région, au moins comme alliés militaires.

An Israeli military vehicle drives along Israel's border with Egypt's Sinai desert, near the Nitzana crossing
Frontière Egypte-Israël

Djihadistes dans le Sinaï

Les djihadistes infiltrés depuis de longs mois au Sinaï, équipés par le matériel en provenance des arsenaux libyens et renforcés par des militants du Hamas et des combattants étrangers en rupture d’alliance depuis la chute de Mohamed Morsi, ont décidé de mener des actions terroristes pour déstabiliser le nouveau régime égyptien avec l’espoir de le faire tomber pour remettre Mohamed Morsi au pouvoir.

2egypte-passage-rafah
Frontière de Rafah

D’ailleurs des explosions ont eu lieu le 11 septembre dans le désert égyptien. Deux attentats à la bombe ont visé l’armée égyptienne dans le Sinaï, où les militaires ont lancé ces derniers jours une offensive contre des groupes d’insurgés islamistes. Un premier engin a provoqué une «puissante explosion » devant le quartier général des services de renseignements de l’armée à Rafah, la ville-frontière avec le territoire palestinien de la Bande de Gaza. Quelques minutes après, une seconde détonation a touché un poste militaire de contrôle routier dans la même ville, forçant l’armée à fermer le point de passage pour plusieurs jours. Les attaques visant les forces de l’ordre se sont multipliées dans le Sinaï. L’armée a riposté en y lançant une offensive d’envergure il y a plus d’une semaine, bombardant quasi-quotidiennement les repaires d’insurgés djihadistes qu’elle considère comme des «terroristes».
Opération égyptienne
Opération égyptienne

Collaboration israélienne

Israël sait que l’anarchie qui règne au Sinaï pourrait avoir des répercussions sérieuses sur sa sécurité à la frontière sud avec des éventuelles attaques au sol et des tirs de missiles sur la ville balnéaire d’Eilat. Si la situation empirait, il n’aurait d’autre solution que d’envoyer les tanks israéliens pour nettoyer les nids de djihadistes qui ont été réactivés après plusieurs mois de présence dormante. Mais il préfère que les Égyptiens s’en chargent eux-mêmes, d’une part pour ne pas créer de situation irréversible en réoccupant le Sinaï et d’autre part, pour redorer le blason d’une armée qui subit des pertes importantes à l’occasion d’attentats sanglants.

Ville balnéaire d'Eilat
Ville balnéaire d’Eilat

C’est pourquoi une nouvelle coopération entre les deux armées s’est installée. Elle existait d’ailleurs selon les termes mêmes du traité de paix de 1979 mais elle prend aujourd’hui plus d’ampleur et revêt un sens politique profond. Les deux parties veulent ignorer les termes du traité de paix qui limitent la présence militaire égyptienne au Sinaï. Les services de renseignements collaborent. Les satellites israéliens diffusent les images d’une zone sous contrôle djihadiste. Les drones israéliens complètent de manière précise les mouvements des terroristes entre leurs caches. Cette coopération s’effectue sans l’arbitrage des États-Unis qui ont été mis volontairement hors course par les Égyptiens. Certes Barack Obama a maintenu totalement l’aide militaire mais il semble écarté de la stratégie de sécurité régionale.

États-Unis hors course

Les États-Unis n’ont pas senti venir les révolutions arabes et se sont complètement trompés dans la gestion de ces changements brutaux. Ils semblent désemparés devant une évolution qu’ils ne contrôlent plus. Leur ignorance de la véritable situation les a écartés de la gouvernance des régions qui ont subi des changements sismiques. Ils ont perdu leur crédibilité à la fois auprès des Égyptiens mais aussi des Israéliens et ce n’est pas le traitement de la crise syrienne qui va rehausser l’image de marque américaine.
Alors le Caire et Jérusalem, sans faire de publicité démesurée et dans le silence des quartiers généraux militaires, ont préféré régler en amis les problèmes qui secouent la région. D’ordinaire les Américains servaient d’intermédiaires dans les relations froides entre les anciens belligérants mais ils ont à présent décidé de prendre en mains leur avenir et leurs relations militaires.

Al-Sissi
Al-Sissi

Le président Barack Obama ne voit pas d’un bon œil cette mise sur la touche par ses deux alliés dont l’un, l’Égypte, ne se considère plus comme tel.  Israël est en train de bâtir un partenariat sécuritaire et politique avec le général Abdel Fatah Al-Sissi qui a compris que son régime ne sera définitivement consolidé qu’après l’éradication de l’abcès djihadiste au Sinaï. Il a compris que les intérêts avec Israël était communs et que l’imprimatur américaine n’était plus d’actualité. Il a surtout compris qu’il ne risquait pas un revirement d’attitude de la part de son partenaire comme celui auquel il avait assisté du temps de Moubarak. Après la froideur des accords de 1979 qui freinaient la résolution des problèmes locaux, une nouvelle ère s’ouvre entre l’Égypte et Israël.

Moyens militaires accrus

Renforts égyptiens au Sinaï
Renforts égyptiens au Sinaï

Les deux nouveaux partenaires vont d’abord régler le problème du Sinaï qui connait une insurrection de grande ampleur mettant en danger le gouvernement et la sécurité du pays en entier et celle d’Israël. Il n’est pas impossible que l’Égypte décide de s’occuper ensuite de la situation à Gaza où des dirigeants des Frères musulmans se sont enfuis pour continuer le combat en suscitant des troubles au Sinaï. L’objectif d’Al-Sissi est d’éradiquer toute contestation venant de la bande. Il pourrait se servir de la carte de l’ancien homme fort du Fatah à Gaza, Mohamed Dahlan, qui piaffe d’impatience avec ses miliciens formés en Jordanie par la CIA et qui cherche à reprendre le pouvoir dans son fief de Gaza dès qu’on lui en donnera l’ordre.
Israël a accepté les demandes égyptiennes d’accroitre les moyens militaires au Sinaï interdits par le traité de paix. Une division de 5.000 hommes est entrée avec de nouveaux tanks, de nouveaux avions et de nouveaux hélicoptères Apache qui contrôlent et surveillent le Sinaï et la bande de Gaza.  Israël compte sur ces nouvelles forces pour tarir la contrebande d’armes et de missiles qui traversaient les tunnels de Gaza.  Les Égyptiens songent aussi, avec l’aide israélienne, de remettre en cause la présence inutile américaine au Sinaï de la Force Multinationale d’Observateurs (MFO) dont le rôle était précisément de veiller au respect du traité de 1979. Cette force est fragile car elle reste une cible pour les djihadistes et elle a souvent subi des attaques sans pouvoir riposter.
Israël et l’Égypte s’estiment grands aujourd’hui pour régler leurs problèmes bilatéraux sans l’aide d’un tiers.
 Jacques BENILLOUCHE
http://www.benillouche.com/
 
 
 
 

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