Semaine du 9 au 13 septembre 2013
Syrie : Faiblesse américaine et renforcement russe
La presse israélienne a continué cette semaine à consacrer sa « une » aux développements de la crise syrienne. Les nombreux articles factuels étaient accompagnés de nombreux commentaires et tribunes.
Fidèles, dans l’ensemble, à la politique dictée par le Premier ministre Netanyahu, les responsables israéliens se sont gardés de faire tout commentaire officiel, que ce soit sur l’éventuelle attaque américaine, ou sur la proposition russe, se contentant de rassurer la population israélienne.
La principale exception à cette règle est intervenue mercredi, quelques heures après le discours d’Obama à la nation. Le Premier ministre Netanyahu, son ministre de la Défense Moshé Yaalon et le Président de l’Etat Shimon Pérès ont tour à tour évoqué la crise syrienne lors de la cérémonie de clôture du cours de formation des soldats marins. Alors que le président Peres réaffirmait qu’Israël pouvait compter sur le soutien américain, Netanyahu et Yaalon ont, quant à eux, insisté sur le fait qu’Israël ne devait compter que sur lui-même pour se défendre, « si nous ne sommes pas là pour nous-mêmes, personne ne le sera pour nous » a affirmé le premier ministre, reprenant une maxime talmudique. Ces déclarations ont été interprétées par les journaux comme une critique sous-jacente de la « politique américaine hésitante ». Le Haaretz et le Maariv y ont vu un message implicite sur l’intention israélienne d’attaquer seul l’Iran.
De nombreux commentateurs se sont accordés pour dire que si le plan russe s’avère fiable et se réalise sur le terrain, cela servira les intérêts d’Obama, qui aura ainsi réussi à faire respecter ses lignes rouges sans tirer un seule missile et sans s’embourber dans une guerre imprévisible et non voulue par son parlement et son peuple.
D’autres ont mis en garde contre une manipulation russo-syrienne destinée à gagner du temps, constatant qu’Assad et Poutine semblaient sortir gagnants de cette crise, le premier parvenant à garder le pouvoir tout en continuant de massacrer son peuple, et le dernier se positionnant tel un héros et un vrai leader à la stature internationale.
Enfin, certains commentateurs sont d’avis qu’en évitant d’attaquer la Syrie, les Etats-Unis décrédibilisent leur menace de recourir à la force face à l’Iran, ce qui paradoxalement réduirait les chances d’une solution diplomatique du programme nucléaire iranien, car l’Iran se sentirait libre d’avancer sans entrave vers l’armement nucléaire et obligerait par conséquent Israël à attaquer.
Comment évaluez-vous la manière dont Obama a géré la crise syrienne ?
66.7% Il a mal géré
17% Il a bien géré
16.3% Ne savent pas répondre
Est-ce que vous pensez, au regard de la façon dont Obama a géré la crise syrienne, qu’il réussira à gérer avec succès le nucléaire iranien ?
65.3% Il ne réussira pas
12.1% Il réussira
22.6% Ne savent pas répondre
Qui est, à votre avis, le grand perdant de cette situation ?
63% Obama
17.3% Israël
8.7% Assad
3.3% Poutine
20.3% Ne savent pas répondre
Spasiba, Moscou pour ton intervention
par gideon levy – Haaretz
Mère Russie (sans Père Staline, cette fois) a sauvé le monde d’une guerre inutile. Sans l’intervention de la Russie, les Tomahawks américains seraient déjà en chemin.
Du sang aurait été versé en vain et le Moyen-Orient aurait subi une autre série de bombardements inutiles, dans l’unique but de maintenir l’image d’Obama et le « statut » des Etats-Unis. Après le bombardement – effectué par des armes américaines, bien entendu – serait venu le bourbier, la destruction puis la reconstruction, confiée à des sociétés américaines, bien entendu. La Syrie aurait saigné encore plus et les armes chimiques seraient restées à leur place.
La vieille époque, celle des Etats-Unis menant des guerres futiles, un jour en Afghanistan, le lendemain en Irak, est désormais révolue. Bienvenue (à nouveau) dans un monde dans lequel plusieurs superpuissances se côtoient. Rien ne nous garantit que ce nouvel ordre du monde sera parfait, mais il sera sans doute meilleur. Il est en train de faire ses preuves en Syrie, et le fera peut-être prochainement en Iran. Ce n’est pas le retour de l’époque bipolaire du temps de la guerre froide, mais seulement le réveil d’un pan du monde situé en Asie du Sud et en Amérique du Sud.
On nous a toujours assuré que l’«ours russe», comme nous avions plaisir à l’appeler, était la source ultime des frictions du Moyen-Orient. On nous a toujours assuré que l’Union Soviétique incitait à la guerre alors que les États-Unis poursuivaient la paix. Mais nous voyons bien le résultat : après 20 ans d’hégémonie américaine et d’effritement de l’influence russe dans la région, nous n’avons toujours pas ne serait-ce qu’un fragment de paix. Nous n’avons récolté que davantage de guerres de la part des Etats-Unis aux côtés de qui, Israël a combattu de par son soutien et son équipement.
Le traité de paix entre Israël et l’Egypte est né à l’époque de la guerre froide, dans une tentative de faire la paix avec les Palestiniens dans le dos des américains. Nous pouvons le dire franchement : l’Amérique n’a rien fait pour promouvoir la paix dans la région. Si elle avait voulu, la paix serait déjà là. Si elle avait voulu, l’occupation israélienne aurait déjà pris fin.
Même maintenant, avec la proposition russe d’une solution pacifique au problème des armes chimiques de la Syrie et la détermination américaine d’une frappe militaire, l’Amérique est encore considérée comme désirant la paix et la Russie comme exigeant la guerre – un faible écho des jours de la propagande de la guerre froide, avec les méchants Russes et les gentils Américains.
Mais ne soyons pas naïfs. Le retour de la Russie n’est pas synonyme que de bonnes nouvelles. Avec son régime douteux, son économie corrompue et son record dramatique des violations des droits de l’homme, la Russie ne sera certainement pas un exemple pour les nations du monde. Un pays qui combat l’homosexualité, enferme ses journalistes, assassine les opposants au régime et emprisonne des chanteuses est un pays aliéné. Mais ce retour peut nous faire penser qu’il y aura à nouveau une force capable de contrebalancer un peu la superpuissance américaine. La Russie pourrait jouer un rôle positif de pondération en Syrie et en Iran. Nous devons encourager sa participation et ne pas cataloguer la Russie d’ennemie dès le début.
Obama devrait envoyer un bouquet de fleurs à Vladimir Poutine, pour l’avoir sauvé du bourbier dans lequel il s’était mis. Le monde devrait remercier Moscou pour l’avoir sauvé d’une situation qui aurait certainement dégénéré. Israël doit également cesser de grimacer à chaque fois qu’une guerre ou un bombardement contre les Arabes de la région est évitée et dire à la Russie : Spasiba. Merci de nous avoir montré, même pour un court instant, que d’autres voies existent, outre celle de la solution militaire.
Quand l’histoire se repete
par dan margalit – israel hayom
Petit rappel historique à l’intention du président américain Barack Obama: il y a 52 ans, les présidents John Fitzgerald Kennedy et Nikita Khrouchtchev se réunissaient à Vienne. La Russie pensant qu’elle avait affaire à une Amérique faible, l’a humiliée. Cette présomption erronée a amené le monde au bord de la guerre nucléaire avec le déploiement des missiles soviétiques à Cuba.
La Russie est toujours à l’affût des faiblesses de ses adversaires, et ne manque jamais une occasion de bondir sur ses proies. Le président russe Vladimir Poutine est ce genre de leader. Il est dynamique, ambitieux, déterminé et cynique, et n’accorde que peu d’importance à l’opinion publique de son pays. Obama ou Jimmy Carter n’auraient jamais écrasé les rebelles tchétchènes avec la même brutalité que Poutine l’a fait. Alors qu’Obama a souligné qu’il était consterné par l’utilisation du président syrien Bachar al-Assad d’armes chimiques, Poutine a préféré mettre la faute sur les rebelles.
Poutine ne se sent pas tenu par les critères de la communauté internationale. Il y a quelques jours, la Russie a annoncé qu’elle avait l’intention d’aider l’Iran à construire un nouveau réacteur nucléaire et de tenir sa promesse de livrer des batteries anti-aériennes S-300 à Téhéran.
Le Secrétaire d’Etat américain, John Kerry, le sait. Il a dit que les Etats-Unis et la Russie disent une chose mais pensent une autre, et que l’accent est mis sur la Syrie, mais les ramifications de cette affaire auront une incidence sur le programme nucléaire iranien. Le président Shimon Peres, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Moshe Yaalon l’ont dit aussi, mais alors que Peres conserve sa foi inébranlable dans la force dissuasion américaine, Netanyahu et Yaalon préfèrent assurer qu’Israël ne peut compter que sur lui-même.
Nous ne pouvons qu’espérer de Barack Obama qu’il soit capable de désarmer la Syrie de ses armes chimiques, un processus, qui sera dans le meilleur des cas de longue haleine, sans même qu’un seul missile ne soit tiré. Mais le président américain, qui a perdu un temps précieux à tester la crédibilité de sa dissuasion contre l’Iran a peut-être franchi un point de non-retour, et pourrait bientôt se retrouver de nouveau berné par les Russes. Après tout, ce sont des experts en la matière.
Quand la Syrie gagne du temps
par Alon Pinkas – Yedioth AHAronoth
Alors que les Etats-Unis commémorent aujourd’hui, le 11 Septembre, le 12e anniversaire de l’attaque terroriste la plus terrible dans l’histoire, Bachar el-Assad – le Tony Soprano des armes chimiques, fêtera son 48e anniversaire.
Assad peut penser qu’il a gagné. Peut-être, serait-ce ses amis de Téhéran qui le lui ont affirmé, peut-être que Poutine lui a donné cette impression. Mais dans la pratique, Assad n’a fait que gagner du temps. Du temps qu’il a emprunté à ses alliés. Mais à présent, Assad est endetté, envers l’Iran, le Hezbollah, la Russie et demeure tout de même dans le viseur des États-Unis.
La crise syrienne est loin d’être terminée, une frappe militaire n’est plus nécessairement à l’ordre du jour et la proposition russe de placer les armes chimiques syriennes sous contrôle international en est encore à ses balbutiements. Mais ce qui prenait il y a quelques jours la forme d’une crise avec une issue militaire, semble avoir définitivement basculé dans l’aréna diplomatique.
Si on tente d’évaluer les gagnants et les perdants à cette étape de la crise, la liste des perdants est bien claire. Il s’agit :
– Des dizaines de milliers de Syriens sont susceptibles d’être tués dans l’année à venir (mais pas par des armes chimiques)
– De la Jordanie, qui accueille tous les jours des milliers de nouveaux réfugiés syriens , un flux bien supérieur à ses capacités d’accueil
– De la Turquie d’Erdogan, qui a découvert les limites de ses capacités de « puissance régionale » et de son influence sur les États-Unis
– De l’Arabie Saoudite, qui découvre que l’indépendance énergétique des Etats-Unis commence à jouer sur les positions de Washington au Moyen-Orient.
Pour les gagnants, les résultats sont plus mitigés
– Les États-Unis : même si elle a géré la crise, de manière hasardeuse et maladroite, elle a joué de sa crédibilité en menaçant d’utiliser la force militaire en Syrie, et a tout de même obtenu un effet de dissuasion. En effet, si cela n’avait pas été le cas, la Russie n’aurait sans doute pas pris la peine de proposer une solution juste avant le vote au Congrès.
– Israël : Si la Syrie est désarmée de ses armes chimiques, il s’agit d’une réalisation importante pour Israël qui a bien fait de garder le silence. Et la mobilisation de l’AIPAC au nom du président Obama a été éprouvée mais n’a pas nui à l’image d’Israël.
– La Russie : Considérant que la Russie n’est pas une puissance mondiale, elle a maintenu ses intérêts dans la région, et a pris pied dans un processus diplomatique. Mais les efforts de Poutine sont limités dans le temps.
– Et Assad a gagné du temps et une sorte de légitimité (du fait que les nations acceptent de négocier avec lui), et a montré qu’il avait une influence politique. Mais cela ne changera certainement pas son destin à long terme.
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