L’aliyah contribue aux débats des divorces internationaux

Les divorces internationaux sont des divorces dans lesquels apparaissent des éléments d’extranéité. Par exemple, un divorce entre des nouveaux immigrants, où viennent s’appliquer des lois du pays d’origine ; un divorce  où l’un des conjoints vit en Israël et l’autre à l’étranger ; un divorce où une partie des enfants mineurs du couple demeure en Israël et une partie se trouve à l’étranger…

Il existe des cas où, bien que les parties comparaissent en Israël, la Cour israélienne doit appliquer la loi d’un autre État. Il existe également des cas où des procédures judiciaires sont conduites en parallèle entre deux États. Par exemple, des audiences au Tribunal en Israël et des audiences en parallèle au Tribunal en France car chacun des conjoints tente de saisir la juridiction du le pays dans lequel il se trouve.

La plupart des lois israéliennes qui traitent du droit de la famille  (comme la loi sur les relations financières entre les conjoints, la loi sur les pensions alimentaires qui traite du paiement de la pension, la loi sur la compétence juridique qui traite des affaires de droit de garde et de mise sous tutelle, les règles de procédure civil applicables au droit de la famille…) renferment des articles se rapportant aux règles du droit international privé.

Ainsi, la loi israélienne sur les relations financières dispose que la loi qui doit être appliquée sur le partage des biens patrimoniaux des conjoints qui se sont mariés à l’étranger est celle du lieu de leur domicile au moment de leur mariage. Par conséquent, lorsqu’un couple israélien part se marier à Chypre, il ne risque pas de voir la loi chypriote s’appliquer sur leurs biens patrimoniaux car leur lieu de résidence n’est pas à Chypre mais en Israël. Toutefois, les nouveaux immigrants qui sont venus s’installer en Israël et qui divorcent ici, sont parfois soumis pour le partage de leurs biens, à la loi de leur pays de provenance.

D’autre part, les règles de procédure israélienne du droit de la famille disposent que la loi qui doit être appliquée sur la pension alimentaire pour un mineur est celle du lieu de résidence du mineur. Qu’en est-il du mineur qui s’installe en Israël et dont les parents se séparent trois mois après ?  Est-ce-que son lieu de résidence est en Israël? Le parent qui se trouve en Israël prétendra que la compétence juridique est celle du Tribunal israélien et l’autre parent, reparti vivre dans son pays d’origine, que la compétence juridique est celle du Tribunal à l’étranger.

Il est évident que le Tribunal israélien n’est pas supposé connaître les règles de droit de l’ensemble des autres États. Dans de tels cas, il est demandé aux parties de fournir au Tribunal des avis d’experts juridiques en droit étranger. Ces experts présentent au Tribunal des éclaircissements sur le droit étranger afin que le Tribunal israélien puisse l’appliquer. Par exemple, pour un couple de nouveaux immigrants de Belgique qui ont établi entre eux un contrat de mariage en Belgique en bonne et due forme, la règle veut que ce contrat soit aussi valide aux yeux de la justice israélienne et le Tribunal en Israël devra le respecter, et en ce qui concerne les relations patrimoniales du couple, le droit belge, découlant du contrat de mariage, viendra s’appliquer.

Décisions contradictoires

Une grande difficulté apparait lorsque les deux parties détiennent des décisions contradictoires, de différentes juridictions, l’une en Israël et l’autre de l’étranger. Toutefois, dans les pays civilisés, il existe une exception de litispendance internationale. Le Juge compétent saisi en second doit se dessaisir au profit du premier. Cependant, il s’agit d’une tendance relative, car la vie moderne est devenue universelle et les procédures et litiges diffèrent entre deux pays, et parfois, les Tribunaux vers lesquels se tournent les parties ne peuvent pas éviter de rendre un jugement.

Prenons par exemple le cas d’un couple qui a essayé de venir s’installer en Israël mais qui a échoué. Après une courte période, le père retourne en France où il continue d’être citoyen et résident du pays. La mère refuse de revenir et reste en Israël avec les enfants. Le Tribunal israélien tranchera sur la requête de la mère des mineurs pour décider de lui attribuer ou à ses enfants mineurs, une pension alimentaire, bien qu’ils ne vivent en Israël que depuis une courte période. Dans un tel cas, on peut se trouver devant une double assignation, la mère des enfants qui vit en Israël avec ses enfants assigne le père en Israël pour l’obtention d’une pension alimentaire. Le père, de son côté, dépose un dossier de demande de divorce en France, et joint à son assignation toutes les questions liées au divorce, y compris les pensions alimentaires des enfants. Le Tribunal français est compétent pour juger le dossier étant donné que le père et tous les membres de la famille sont citoyens français, qui résidaient tous en France il n’y a pas si longtemps et dont la plupart des biens s’y trouvent encore. Dans un cas comme celui-ci, des décisions contradictoires risquent d’être rendues par les deux Tribunaux, l’une par le Tribunal aux affaires familiales en Israël, et l’autre par le Tribunal aux affaires familiales en France.

Un autre exemple est celui de concubins qui ont immigré de France sans avoir été mariés. En Israël, le statut de concubinage est un statut reconnu qui est formellement exprimé dans différentes lois. Par contre, la France ne reconnait pas de droits réciproques aux concubins, sauf si ces derniers ont officialisé leur statut par une procédure légale à la mairie, connue sous le nom de « PACS ». Dans un tel cas, l’un des concubins pourra prétendre avoir des droits sur l’autre concubin dont il se sépare à partir de la date de leur immigration en Israël.

Exécution de la décision de justice

Une autre difficulté découle de la nécessité d’exécuter la décision de justice, qu’il s’agisse d’une décision israélienne qui doit être exécutée à l’étranger ou qu’il s’agisse d’une décision rendue à l’étranger et que le Tribunal israélien se doit d’appliquer.

Il existe en Israël une loi ordonnant l’exécution d’une décision étrangère en Israël. Cependant, la loi impose différentes conditions qui risquent parfois de contrecarrer la décision de justice. La loi sur l’exéquatur des décisions étrangères dispose qu’il y a lieu d’exiger l’exécution du jugement sous un délai de cinq ans à compter de son prononcé. Dans un cas particulier, la mère d’un mineur a demandé l’exécution d’un jugement de pension alimentaire rendu en France, à l’encontre du défendeur qui séjournait en Israël. Le Tribunal israélien a rejeté la demande d’exécution du jugement étant donné que cinq années s’étaient écoulées depuis que le jugement avait été rendu. L’argument de la femme affirmant qu’il n’y avait pas lieu de faire exécuter jusqu’à ce jour la décision car le défendeur avait payé la pension alimentaire pendant toutes ces années a été rejeté. Le Tribunal a appliqué la loi à la lettre en considérant que la mère ne pouvait pas faire exécuter la décision en Israël car cinq années s’étaient déjà écoulées depuis la date du prononcé du jugement.

Par comparaison, le délai pour faire exécuter une décision israélienne en Israël est de 25 ans.

En conclusion

Les divorces entre deux pays, ou divorces internationaux, sont extrêmement compliqués. Ils peuvent entraîner un traitement juridique complexe comme le traitement d’un dossier en parallèle par deux juridictions de deux pays différents, ou l’application d’une loi étrangère qui n’est pas connue par le Tribunal israélien.

Même si vous êtes le bénéficiaire d’une décision de justice à l’étranger, il vous faudra quand même solliciter le Tribunal israélien pour faire exécuter cette décision en Israël, avant de pouvoir en bénéficier concrètement.

Il est recommandé à toute personne mariée avec un/une nouveau/elle immigrant/e ou avec une personne qui possède un lien étroit avec un pays étranger, d’anticiper et de vérifier ce qu’il y a lieu de faire.

Me Liane KEHAT
Avocate israélienne spécialisée en droit de la famille et des successions

 

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