Hanouccah 2017. En guise d’hommage à vous, Josy Eisenberg. Vous dire d’abord que Le Chandelier d’or est ma bible à moi. Il est, depuis 28 ans déjà, posé là, tout près. Toujours. En somme il me porte : je n’enlève jamais ma Magen David et je sais toujours où est mon Chandelier.
Vous resterez celui qui nous a fait à tous, Juifs et non Juifs, un cadeau de valeur : ces dialogues-initiation aux plus grands thèmes de la philosophie juive. Je parle de vos entretiens avec Adin Steinsaltz et des commentaires de Rabbi Chnéour Zalman de Lady[1] sur les fêtes juives.
C’est vous qui m’avez appris que la Torah avait institué cinq fêtes, Roch Hachannah, Yom Kippour et les trois fêtes de pèlerinage, et que les rabbins y ajoutèrent deux fêtes de leur cru : Pourim, la fête d’Esther, et Hanouccah, deux fêtes qui marquent le moment où le peuple juif, sorti de l’enfance, s’arrogea le droit de sacraliser le temps au même titre que Dieu et de reconnaître ce qu’un événement avait de providentiel.
Si Hanouccah et Pourim commémorent toutes deux une délivrance qui tient du miracle, Hanouccah, alors que Pourim se déroule en exil, eut lieu en terre sainte : la Judée était alors sous la domination d’ Antiochus IV Epiphane, roi de Syrie et tyran qui voulait imposer à tous la culture et la religion grecque.
Bien que les Grecs aient décrété que l’étude de la Torah était un crime passible de mort, nos enfants juifs continuèrent à étudier en secret, faisant semblant, à l’approche des patrouilles grecques, de jouer à la toupie.
Parallèlement, refusant la soumission aux pratiques païennes, une poignée de résistants juifs, menés par Juda Macchabée, se souleva[2] contre les occupants syriens et délivra Jérusalem, reconquérant le temple profané.
Cette reconquête coûta moult morts, dont le chef de troupe, d’où l’emploi de macchabée pour désigner un cadavre.
Pour célébrer la fondation de l’Etat juif indépendant et purifier le Temple des idoles grecques, les Juifs rallument le grand chandelier d’or à sept branches. Ne voilà-t-il pas que supposée durer un jour, l’huile consacrée à cet effet brûlera miraculeusement huit jours durant !
C’est ce double prodige que commémore Hanouccah, servant, lors des pogroms comme durant la Shoah, de lumière à ceux qui acceptaient de subir comme à ceux qui prônaient la résistance, et alimentant l’éternel débat sur la soumission ou la révolte.
La tradition rabbinique vit dans cette petite flamme qui survécut au-delà de ses réserves d’énergie le symbole du destin d’Israël, la lumière symbolisant dans le judaïsme la révélation, la Création, l’âme, la Torah, et le jour où tout sera lumière: Dieu l’aurait cachée et mise en réserve dans la Torah pour les justes dans les temps ultimes. Torah. Orah, un des noms de la lumière : écoutons-la, la douce assonance, n’oublions jamais que faire briller la lumière fut le défi que relevèrent nos ancêtres et allumons chaque année, à Hanouccah, huit jours durant, une lumière supplémentaire. Dans Les habits de lumière, Josy Eisenberg et Aldin Steinsaltz expliquent que le chandelier d’or était destiné à faire monter la lumière en permanence, cette lumière symbolisant le désir de s’élever, d’éclairer le monde, le faire changer en le ramenant à sa véritable source. Et lorsque le roi David dit que l’âme de l’homme est lampe de Dieu, que nous dit-il d’autre sinon que vivre et allumer ici-bas l’huile des commandements et de la Torah servira à tisser le vêtement de lumière indispensable à notre âme pour qu’elle jouisse des béatitudes éternelles.
La toupie ? Restée, aujourd’hui encore, au centre des jeux de Hanouccah, chacune de ses quatre facettes représente une lettre hébraïque et ces lettres renvoyant au Ness Gadol Haya Cham : un grand miracle est arrivé là-bas.
Pourquoi le chandelier de Hanouccah a-t-il huit branches alors que le chandelier d’or du temple en comptait sept : alors que 7 correspond au renouvellement cyclique des sept jours de la semaine, 8 en revanche est le nombre qui connote le dépassement du cycle naturel, le temps où l’histoire cessera d’être un éternel recommencement, expliqua le maharal de Prague, talmudiste commentateur de l’œuvre de Rachi.
Avec Hanouccah, les Juifs fêtent la victoire de la lumière sur les ténèbres, au sens propre comme au sens figuré. La coutume veut qu’une jeune fille allume une bougie par jour de fête et que l’allumage, accompagné de prières, se fasse sur un candélabre à neuf branches, la neuvième bougie servant à allumer les huit autres.
Triomphe de la Lumière, de l’Enfant et de la Transmission, Hanouccah a inspiré Richard Kenigsman qui a imaginé cette série de 8 dessins sur palette graphique, signés et numérotés sur photos argentiques. Sobres. Elégants. Lumineux. Ils sont la flamme du peuple juif et je gage que Josy Eisenberg les aurait aimés autant que moi. D’autant que Kenigsman s’est amusé lui aussi à compter le nombre de bougies que nous aurons allumées. 36 chandelles, cela ne s’invente pas, plus 8 Chamach. Soit 44 bougies, nous dit-il, malicieux. Ce nombre, Kenigsman nous propose de l’éclairer par le décompte que nous offre la guematria, exégèse propre à la Bible hébraïque dans laquelle on additionne la valeur numérique des lettres et des phrases afin de les interpréter. Qu’en dites-vous, cher Josy Eisenberg ?
« 44 c’est yeled, l’enfant.
Mais 44, c’est aussi 3+41 ?
Or 3 c’est av, le père et 41 c’est ima, la mère.
Ainsi, 44 serait le produit de la parenté et le triomphe de la transmission lumière comme enfant lumière »
En guise d’hommage donc à Josy Eisenberg, celui qui s’attacha à nous transmettre le plus qu’il pût. Un langage. Un nom. Nos traditions. Ceux que nous sommes. Et qu’illustrait peut-être en l’écoutant l’auteur de L’Homme du Roi.
[1] 1745-1813. Prix Israël 1988 pour l’ensemble de son œuvre.
[2] En l’an 165 avant l’ère chrétienne.
Sarah Cattan
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